Plus personne ...

Une invitation. C'était suffisamment rare pour que ca attire mon attention. La grimace qui se peignit sur ma figure en dit long sur ma pensée. Une fête de fin d'année ... Je n'arrivais même pas à imaginer pire. Et franchement, mon humeur, qui ne dépendait plus que de mon état physique, faisant des vagues continuellement, n'était guère en phase pour supporter ce genre de festivité.
Je n'aimais déjà pas l'hiver mais celui-ci était particulièrement mauvais. Il y avait certaines personnes dans cette bâtisse dont je ne supporterai pas une fois de plus ni les remarques acides, ni l'humour cynique. J'aurai eu plaisir à en revoir d'autres, notamment ma roussette, que je n'avais pas revu depuis la dernière fois où j'étais venue chercher Eileen.

Arrivée le matin de la journee en question, j'étais seule, et j'attendais cachée dans un bosquet aux alentours. Il était hors de question que j'assiste à ca, un masque sur la figure. Je n'avais jamais été douée pour les bals masqués et tout ce que j'arriverai à faire, ce serait de foutre leur soirée familiale en l'air.
Je n'en avais plus de famille moi, tout s'était écroulé, parti en miettes dans un brouillard de poussière. L'incompréhension ne serait jamais comblée et il me faudrait supporter la responsabilité de mes échecs jusqu'au dernier de mes jours. C'était la solitude qui m'attendait et il fallait que j'y fasse face, et dès maintenant.

Assise sur une souche, je décidais d'écrire une courte missive à Selena, histoire de m'excuser. Elle serait fâchée certainement, mais c'était peut-être mieux ainsi, faire le vide, laisser les gens à leur bonheur et trainer ma morne solitude loin d'eux.

Citation :

Salut Bella,

Vais pas te faire de grand discours. Même les plus grands arbres finissent par ne plus toucher le ciel, leurs racines, enfoncées profondément dans le sol de la foret, les tirent vers le bas. Ils se penchent, se tordent, ravagés par les coups de vent, rongés par la vermine, et malgré leur aspect solide, à l'intérieur ils sont creux, vides, du bois mort en devenir.

Je m'excuse de te décevoir une fois de plus, à croire que je suis devenue une championne en la matière, mais je ne vais pas me pointer à ta petite fête de famille. Ce courage là me manque, de plus en plus ... tellement de choses me manquent à présent.

Reçois mon souhait sincère, que toi et toute ta famille vous portiez pour le mieux. Je sais que chacun d'entre vous est heureux ou peut l'être, ne gâchez rien.

Avec mon amitié,

Erin.

Je franchissais les derniers mètres, et comme à chaque fois que je venais ici j'en admirais le paysage, puis me faufilais jusqu'au pied de la bâtisse. Enroulée dans ma cape, la tête recouverte, je me fondais dans l'ombre et décidais de trouver la fenêtre des cuisines pour faire "entrer" mon message dans la place.
C'est alors que j'aperçus un homme en compagnie de Selena, un homme qui ne m'était pas inconnu, dont la sagesse avait soudainement remplacé les défauts communs à tous les hommes : Alexandre, le bourguignon.
Puis des éclats de voix et je reculais dans l'ombre. Aubi et sa fleur des champs. Il était préférable qu'ils ne me voient pas. Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu'ils te fassent ... Aubi aurait du y penser un jour ... Mais c'était du passé, nos rencontres s'étaient largement espacées, les batailles aussi, et ca n'en était pas plus mal.
Un autre flot d'invités se déversa et je commençais à serrer des dents. Trop de monde, trop de sourires, de gentillesses, et je ne tenais pas à prendre ni le rôle de l'hypocrite, ni celui de la semeuse de discorde.

Tout ce beau monde fut conduit au salon. Comme un chat, je me hissais sur le bord de la fenêtre de la cuisine, l'ouvrant d'un coup de coude en faisait sauter le loquet, je me glissais dans la pièce pour me diriger vers la table. D'un geste rapide, je lâchais la lettre, un verre posé dessus, et repris le chemin en sens inverse. Telle une voleuse, mon ombre disparu, zigzaguant entre les arbres pour rejoindre le chemin qui menait a la grand'route.

Quand on est à la bourre...bah on est pas à l'heure !
Le vadrouilleur se hâte sur le chemin qui mène à la baraque de la Dominoute.
C'est qu'il est vraiment en retard. Et la rouquine n'aime pas les retardataires.

Il avait prévu d'entrer par l'entrée, comme toute personne normale. Mais, s'était dit que se pointer comme une fleur après tout le monde, c'était pas l'idéal pour qui voulait rester discret...
Alors il se faufile autour de la maison, cherchant une fenêtre par laquelle se glisser et faire comme si de rien n'était.
Il s'imagine déjà rencontrer Séléna au détour d'un couloir...
"oui oui, je suis là...depuis le début, hein...comment ça tu m'as pas vu ? alors comme ça tu me snobes ? pas très gentil, ça..."
Ricanant doucement, il passe un coin, puis s'arrête. Visiblement, quelqu'un a eu la même idée que lui.
La silhouette semble hésiter, s'arrêtant à plusieurs reprises. Elle écoute le brouhaha de l'entrée, puis se glisse par une fenêtre. Habile, la personne.
Caché derrière un arbre, le conteur l'observe.
Tiens ? Elle ressort...
Il plisse les yeux, curieux. Puis se cache encore mieux quand elle passe à côté de lui. C'est alors qu'il la reconnait.
Les mèches blondes qui s'échappent de son capuchon, son allure que ses efforts pour rester discrète n'altèrent pas vraiment, et surtout son épée, qui bat dans son dos. Il reste un instant interdit, puis hausse les épaules.
Alors qu'elle s'apprête à s'enfoncer dans un talus, pour probablement se faire oublier et ne plus donner de nouvelles, il sort de derrière son arbre et s'éclaircit la gorge.

_ Eh bien... soit la réception de la rouquine s'est finie exceptionnellement tôt...soit je connais quelqu'un qui cherche à s'esquiver...

Les mots me stoppèrent dans mon élan. Non ! Pas lui ! N'importe qui d'autre, mais pas lui. N'importe quel autre que je pourrai dénigrer, renier, auquel je pourrai aisément mentir, même laisser là en plant, sans aucun regret. Pourquoi fallait-il que ce soit Nesa ?

_ Eh bien... soit la réception de la rouquine s'est finie exceptionnellement tôt...soit je connais quelqu'un qui cherche à s'esquiver...

L'esquive, mon cher, est souvent salutaire. Elle fait partie des passes indispensables à tout epeiste ...

Je sentais son regard dans mon dos. Il ne fallait pas me retourner, ne pas croiser son regard, son sourire, cet air sur son visage auquel on voyait qu'il devinait vos pensées.

Ne craignez rien, la soirée vous attend, vos amis sont tous là ...

Se détacher, faire comme si de rien n'était, comme toujours, braver et être forte. Un pas en avant, s'éloigner, distancer les souvenirs, parce que ce qui fait du bien finit toujours un jour ou l'autre par faire du mal, et j'étais arrivée à un stade où je ne le supporterai plus.

Rejoindre l'ombre, s'y résorber, les laisser croire, imaginer que rien n'avait changé, que j'étais la même, solitaire et râleuse, leur faire comprendre que sans moi ce serait mieux ... Tout cela sans mot, sans geste, en feignant l'indifférence.

Ne pas me retourner, faire un autre pas, juste un ...

Il sursaute à l'irruption de Mathieus, puis penche la tête en l'entendant parler.
Sait il vraiment à qui il a à faire ?
Il rend son sourire au jeune homme, puis reporte son attention vers son amie qu'il voit s'éloigner petit à petit.

Tous ? Comment pourraient ils tous être là, alors qu'une de ces personnes chères à mon coeur cherche à s'en aller ?
Et pas celle qui compte le moins...

Il ne la quitte pas des yeux, craignant de la voir disparaitre comme elle semble en avoir l'intention. Il sait que son moral n'est pas au mieux. Il l'avait deviné au ton des lettres qu'il recevait d'elle, de temps en temps. Il l'avait deviné à son air, quand ils s'étaient croisés devant la forteresse. Il le devine encore, la voyant se dérober. Elle ne se retourne pas, reste distante.

Je vous reconnais une bien meilleure experte que moi dans les arts de l'épée...
Mais qu'est il besoin d'esquives, quand il n'y a guère d'ennemis dans les parrages ?

Le conteur soupire, veut la rejoindre, mais préfère ne pas la brusquer.
Il se fait le serment, en la regardant ainsi, d'un jour parvenir à l'aider. De quelque manière que ce fut.

Le bonheur est il si omniprésent qu'on peut se permettre de rejetter une occasion d'en avoir un aperçu, même ephémère ?
Il n'y a en effet que des amis, ici...qui vous aiment, et regretteraient de passer ce moment sans vous.
Et puis, qui sait...il parait que c'est la période des miracles...

Il plisse les yeux, et son ton se fait légèrement plus dur.

Je ne permettrai pas que vous restiez seule, Erin, quoi que vous en pensiez. Personne ne le doit.

Décidément ! A la seconde voix, mes poings se serrèrent si fort que je sentis mes ongles déchirer la peau de mes paumes. Cet accent à couper au couteau, cet air nonchalant, je n'avais jamais compris comment il avait pu passer outre sa colère aussi rapidement. Je n'y arrivais pas.

Tous ? Comment pourraient ils tous être là, alors qu'une de ces personnes chères à mon cœur cherche à s'en aller ?
Et pas celle qui compte le moins...

Je secoue la tête. Chasser les souvenirs, vite, les remettre dans leur boite de Pandore, ne plus jamais l'ouvrir, les garder comme un trésor. Leur dessin était-il toujours accroché au plafond de cette taverne ? Les seules nuits où je n'avais pas trouvé l'attente longue, les seules nuits où j'avais quitté mon poste immobile avec le sourire ... Je les avais passées avec lui.

Ma voix est lasse mais déterminée.

Je suis mon pire ennemi, Nesa, vous le savez ... Vous savez le mal que je suis capable de m'infliger seule.

J'hésite à rire sur les mots suivants, même si la situation ne prête guère à l'humour. Tous ces mots dans la même phrase me donnent l'impression qu'elle ne m'est pas destinée. Bonheur, amitié, aimer, miracle ! Je ne retiens qu'éphémère. Oui, tout est éphémère si l'on n'y prête pas attention, comme le vent qui a glissé entre mes doigts.

Je ne permettrai pas que vous restiez seule, Erin, quoi que vous en pensiez. Personne ne le doit.

Je me retourne brusquement vers lui, j'essaie de motiver ma colère, qu'elle grandisse, qu'elle se jette sur lui, parce que je ne connais pas d'autre moyen de me défendre que celui de laisser exploser le volcan. Ma voix est tendue, il ne faut pas que je perde du terrain, je sais la force qui couve en lui, et il n'a besoin d'aucune arme.

On ne souffre pas de la solitude, Nesa, mais seulement de l'absence.

Enfin face à lui, je l'observe. Tellement de mois sont passés depuis que nos routes se sont séparées. A part cette fois où nous nous étions croisés à l'entrée de la forteresse, je ne l'avais pas revu. Ses dernières lettres me laissaient présager qu'il était heureux et cela m'avait suffit, je n'avais plus répondu. Oui, éphémère le bonheur, très, il laissait une douce trace avec le temps, une trace qui finissait par ne plus ressembler à une cicatrice.

Il avait changé, cette barbe qui lui dévorait la figure le vieillissait admirablement, le conteur fragile semblait avoir laissé place à un homme résolu. Je sentis mon cœur se serrer mais il ne fallait pas que je faiblisse, il était évident que je n'apporterai rien à leur soirée, et je n'avais aucunement l'intention d'accéder à leur pitié. La solitude m'enfermait dans un orgueil démesuré mais qui me maintenait la tete "hors de l'eau". Il fallait que j'aille jusqu'au bout.

J'ai laissé une lettre à Selena, elle comprendra. Souffler le soutien feminin, guère dans mes habitudes, mais je collais aléatoirement la roussette de mon coté. Faites de même ... Tous les deux ...

Je jetais un œil à Mat, puis reportais mes émeraudes sur Nesa. S'il pouvait toujours lire en moi, il verrait combien la souffrance serait pire en "public", il comprendrait comme il m'était necessaire de me cacher. Il fallait qu'il comprenne. Je fixais alors son regard avec obstination.

Leger sourire en coin alors que leurs regards s'accrochent et s'affrontent.

Vous croyez ? Il penche légèrement la tête sur le côté, sans la lacher des yeux. Elle comprendra ? Allons... vous la connaissez aussi bien que moi...

Elle aussi a changé.
Ses sourcils sont froncés. Ses yeux auparavant si clairs semblent quelque peu voilés.
Sa bouche, qu'il avait vu riante à de nombreuses reprises reste figée en une moue à la fois résignée et décidée.
Des changements que d'autres n'auraient peut être pas perçu. Des changements qui le confortent, lui, dans sa décision de ne pas la laisser repartir comme ça.

Leur échange de regards s'éternise. Il comprend. Mais elle n'a pas idée. Elle ne voit pas, ou refuse de voir, l'amour que d'autres éprouvent à son égard. Elle tient à sa solitude, mais ne se rend peut être pas compte à quel point ça la condamne.
Le ton de ses lettres est clair, ainsi que les nouvelles qu'il glane auprès de Séléna quand elle en reçoit. Son inquiétude du début s'est peu à peu muée en peur. Peur de la voir disparaitre, engloutie par ces vagues de malheur contre lesquelles elle semble incapable de se prémunir. Voire même, quelle appelle. Et il ne veut pas la perdre. Elle auprès de qui il avait retrouvé l'envie d'avancer, alors qu'il ne faisait que suivre machinalement depuis qu'il avait appris la mort de son frère. Elle qui lui avait fait comprendre qu'il y avait parfois mieux que la solitude, quand on trouvait les bonnes personnes. Elle qui, sans s'en douter, s'en rendre compte, l'avait poussé à vivre ses rêves, et en avoir d'autres.

Il la regarde, espérant qu'elle lira en lui comme elle le faisait avant. Qu'elle sache...
Lui montrer qu'il sait, qu'il connait ce besoin de solitude, ce désir de fuite, mais lui faire comprendre que jamais il ne permettrait qu'elle se perde encore plus.

Tout manque se comble, Erin. Toute plaie cicatrise. Je sais que vous pensez le contraire. Je le crois aussi. Mais je me laisse bercer par l'espoir des autres. Et, de temps en temps, je me dis que tout n'est peut être pas si vide.

Il cligne des yeux, heureux que les personnes qu'il côtoie ces derniers temps ne l'entendent pas.

Je vis dans le noir, moi aussi. Mais je me laisse pas enfermer. Et je sais que vous le pourriez aussi.

Il soupire, puis se laisse glisser par terre, et arrache enfin son regard de celui de son amie, gêné comme à chaque fois qu'il se prend à dire ce qu'il fait tant d'efforts à dissimuler en général.
Son attention dérive vers la demeure, d'où s'élève les éclats caractéristiques de toute fête. Un maigre sourire apparait sur ses lèvres.

Vous savez qu'elle déboulera ici d'un instant à l'autre, n'est ce pas ? Elle doit déjà avoir vu la lettre...
Ce n'est pas elle, qu'on esquive...mais la foule qu'elle a convié. Rien ne nous oblige à rejoindre tout le monde après.
Et puis...son regard capte de nouveau celui d'Erin...cette fois je ne vous laisserai pas partir sans l'histoire que je vous ai promis, lors de nos veillées.

"Chez moi, le secret est enfermé dans une maison aux solides cadenas dont la clé est perdue et la porte scellée." conte des Milles et Unes Nuits.

Bluffer ... Jouer mes cartes truquées, les sortir de ma manche. Mais ca ne prend pas avec lui, il ne faut pas que j'oublie qu'il connait la rousse surement mieux que moi.
Cracher la vérité, dire que leur vie de famille me rend morose, que j'exècre les couples amoureux, que je suis obligée de tenir de plus en plus souvent ma fille loin de moi et que je ne supporte pas les enfants des autres ... Il a raison, Selena est mon amie, mais comme à chaque fois que la louve en moi est blessée, elle s'isole, brise ses amitiés, pour que la souffrance ne se propage pas.

Mes doigts ne se sont pas desserrés, je sens mes phalanges devenir douloureuses. Son regard est comme celui de Méduse, je ne peux plus bouger, et pourtant, soudain, j'ai l'impression de faire un pas vers lui. Non ! Trouble de mon imagination. Juste l'envie que la nuit tombe, qu'il ne me voit plus, que cette sensation de peur, cette crainte d'avancer vers lui, disparaisse.

Se laisser bercer par l'espoir des autres ? Alors que je me suis tellement fourvoyée depuis tout ce temps, que j'ai été incapable d'ouvrir les yeux, tout ca parce que mon propre espoir me poussait à croire à ce fameux miracle qui n'est jamais venu !

Je vis dans le noir, moi aussi. Mais je me laisse pas enfermer. Et je sais que vous le pourriez aussi.

Un bond. Un saut. Un seul ... Et lorsqu'il se laisse tomber au sol, mes genoux viennent en faire de même à ses cotés. Pas lui, non, lui n'abandonnera pas, ne m'abandonnera pas !

Vous n'êtes pas dans le noir, Nesa, vous êtes la lumière. Ce n'était pas tant celle de la taverne qui m'attirait à l'intérieur comme un papillon de nuit, mais celle plus chaude que vous y apportiez ... Ses yeux se posent dans les miens, et autour la foret s'estompe.

Nous. Je répète la phrase dans ma tête : Rien ne nous oblige à rejoindre tout le monde après. Me cacher avec lui, reprendre la leçon là où nous l'avions laissée, refermer cette bulle où les passagers de la taverne n'arrivaient pas à entrer. Mais je me rend compte combien c'est égoïste, je sais que je n'en ai pas le droit, il n'est pas là pour moi, il est venu pour cette foutue fête. Et moi, je leur ferai du mal.

Je baisse la tête, la capuche sombre retombe sur mon visage, il faut qu'il me laisse partir, qu'il m'aide à ouvrir mes ailes, parce que je sens que mon courage s'enfuit déjà, et sans moi. Je sais que son histoire sera longue, qu'il la fera interminable pour que la nuit dure encore. Pour m'éviter de sombrer et de perdre la vie, il faut que cette nuit n'ait pas de fin.

La rouquine est là.
Vite, se recomposer une expression paisible. Rentrer et enfermer de nouveau sa lassitude, bien cachée quelque part au fond de lui.
Toujours assis, il lève les yeux. Ce n’est qu’en la voyant frissonnante qu’il se rend compte du froid qui les entoure. Et du fait qu’il était assis dans la neige. Un brusque tremblement lui parcourt tout le corps, et l’extirpe de la bulle dans laquelle il s’est senti replonger, lors de cet échange de regards. Comme celles qu’ils se créaient, lors de leurs longues nuits partagées. Et qu’ils avaient toujours tant de mal à quitter. Mais il ne se relève pas pour autant. Il reporte son attention vers Erin, à genoux elle aussi. Se demandant s’il est parvenu à lui faire comprendre ce qu’il ressent, il se penche et prend doucement sa main dans les siennes.

Cette lumière est justement celle de l’espoir, Erin. De l’amitié. Et elle ne demande qu’à briller de nouveau.

Il s’efforce de garder une voix égale, toujours aussi déterminée.

Et autrement que de cette manière courte et éphémère que nous lui connaissons.
Cette lumière est faite pour durer. A nous de faire en sorte que ça soit le cas.

En murmurant, maintenant, de manière à être entendu d’elle seule.

Navré, Erin. Je ne vous laisserai pas partir. Je suis venu ici en grande partie parce que Séléna m’a annoncé votre venue. Trop de temps a été perdu à fuir…je veux faire tout ce que je peux pour que vous vous retrouviez. Mais il va vous falloir m’aider…

Il soupire, se redresse, puis adopte un ton légèrement plus enjoué.

Vous ne souhaiteriez pas que notre chère rouquine attrape la crève, non ?
Ou qu’on tombe malades nous aussi...Et ça serait dommage. On dessine mieux la main sûre.
Venez donc. Faisons ce qui doit être fait en restant sur le côté, en bande d’asociaux que nous sommes. Et je suis persuadé que l’Armagnac de Séléna vous a manqué !

Il se relève, lui tenant toujours fermement la main, attendant qu’elle prenne sa décision.